Dans le cadre du projet de mise en place d’antennes CNDH dans les régions du Nord et du Sud de la République de Djibouti, la GIZ-BMM a invité les cadres de la CNDH-D à effectuer une mission d’observation et de partage d’expérience avec leurs homologues kenyans de Nairobi et de Wajir pendant la période du 6 au 10 aout 2018.
Après un rapide briefing sur la sécurité, au siège de la GIZ du Kenya, la délégation s’est entretenue avec le Directeur GIZ des pays Kenya et Somalie Monsieur Stefan Opitz d’abord, avant d’avoir tout au long de la semaine des entretiens avec les membres et le personnel de la KNHRC, du RINADH, de la KHRC, du CTIP(Counter Trafficking In Persons Secretariat) et plus particulièrement son département pour les mineurs ainsi que l’ONG HAART à leurs sièges respectifs.
Le 06 août une réunion d’introduction de la visite d’études a eu lieu en présence des partenaires entre les Commissions djiboutienne et kenyane (CNDH-D et KNCHR). Celles-ci ont été présentées conjointement par une des commissaires déléguée par la présidente de la KNCHR, Mme Jedidah Wakonyo Waruhiu et par le président M. Saleban Omar Oudin. Ils ont présenté les objectifs, les programmes mais aussi le fonctionnement et les méthodes de travail de leurs institutions respectives. Le Secrétaire général de la CNDH-D a présenté l’historique de la CNDH de Djibouti depuis sa création en 2008, le changement de régime initié par la loi de 2014 et son décret d’application de 2015, jusqu’à la mise en place des nouveaux membres en 2016. Des interrogations et partages d’expérience ont été formulés sur le travail de la KNCHR avec les autorités, sur leur méthode de traitement de plaintes (mises en place des bureaux des plaintes) et sur la prise en compte des plaintes des migrants. A la fin de la réunion, le Président de la CNDH de Djibouti a remercié la GIZ-BMM Djibouti et du Kenya sur l’importance de la coopération sur les droits des migrants, également dans ce sens il a rendu hommage à la commission sœur du Kenya pour son accueil et sa disponibilité. A son tour, Mme Jedidah Wa Wakonyo Waruhiu, a remercié le Président de la CNDH-Djibouti et sa délégation et a souligné la pertinence des interactions effectués entre les deux équipes.
Dans l’après-midi, Mme Veronica Mwangi haut cadre de la KNCHR en charge de la migration a effectué une large présentation sur la gestion de la migration au Kenya.
Le 7 aout, la CNDH-D rencontre, au siège de la KNCHR, les Membres et le personnel du RINADH, le Réseau des Institutions Nationales Africaines des Droits de l’Homme. Les discussions ont portés sur la coopération entre la CNDH-Djibouti et le RINADH. Les deux partis ont partagé des points de vue sur la mise en place de HRBA (Human Right Based Approach) dans la gouvernance des flux migratoires dans la corne de l’Afrique. La CNDH-D a sollicité l’appui du RINADH dans le processus de son accréditation auprès de GANHRI( Global Alliance of National Human Rights Institutions)
La CNDH-D a poursuivi sa visite au siège de la Commission des droits de l’Homme du Kenya (KCHR). Elle s’est entretenue avec le membre de la KCHR qui est l’organisation fondatrice de l’actuelle KNCHR. C’est une association qui œuvre pour les droits de l’homme depuis les années 90. Composée de différentes personnalités dont certaines sont devenues cadres de la KNCHR. Elle travaille en partenariat avec la KNCHR et forme ainsi une composante de la société civile. La KCHR partage avec la KNCHR ses mandats, programmes et activités respectifs en tant qu’OSC. Elle travaille sur le droit des migrants.
La CNDH-D s’est ensuite rendue dans l’après-midi au département de services des enfants, du CTIP, au Ministère du travail. L’Etat Kenyan alloue un budget conséquent pour les enfants victimes de la traite.
Le 8 aout, une partie de la délégation de Djibouti est restée à Nairobi, et une autre s’est rendue à Wajir, une région pastorale du Nord-est du Kenya frontalière avec l’Ethiopie et la Somalie.
La délégation qui a séjourné à Nairobi est composée de
1- Mohamed Farah Khairdon, Rapporteur de la CNDH
2- Ali Mohamed Ali, Commissaire de la CNDH
3- Saleh Said Doualeh, Cadre de la CNDH de la CNDH
4- Samatar Antoine Natalis, Chargé des programmes de GIZ-BMM pour Djibouti
Le 8 aout, le groupe de Nairobi a rencontré The Awareness Against Human Trafficking (HAART), une organisation non gouvernementale basée à Nairobi. Elle travaille généralement sur la sensibilisation contre les formes de traite des êtres humains et la protection des victimes. Elle a pour objectif de radier toute forme d’esclavage moderne au Kenya et en Afrique de l’Est. C’est la seule organisation au Kenya qui travaille exclusivement à l’éradication de la traite des personnes. Elle enregistre environ 400 victimes par an. Elle gère un lieu d’accueil ouvert en 2016 réservé généralement pour les filles. Ce centre a une capacité d’accueil de 25 à 30 personnes, actuellement il accueille 28 filles. HAART est en train de développer un nouveau département d’assistance juridique. La KNHRC travaille de concert avec cette ONG pour l’aider sur tout ce qui concerne les juridictions du pays. L’équipe de Djibouti a visité le centre d’accueil des enfants victimes de la traite géré exclusivement par HAART et financée par des donateurs étrangers a l’instar des institutions catholiques irlandaises.
Le 9 aout, l’équipe de Nairobi a effectué une journée d’observations et de partages d’expérience autour de la procédure de traitement des plaintes et le système de gestion informatique des plaintes. Les différentes étapes de la procédure de numérisation et de gestion des plaintes ont été présentées à l’équipe par un cadre responsable du département des plaintes de la KNHRC, tout comme les différents formulaires relatifs au traitement de plainte qui serviront de modèle à adapter à la CNDH-D. La CNDH-D a apprécié la qualité de la plateforme informatique de leurs collègues kenyans. Le système mise en place par les collègues kenyans permet à toute personne interne à la Commission de travailler sur cette plateforme.
A Wajir, la délégation djiboutienne était composée de :
1- Saleban Omar Oudin, Président de la CNDH
2- Souad Kassim Mohamed, Vice-présidente de la CNDH
3- Djibril Osman Houffaneh, Secrétaire Général de la CNDH
4- Siri Fleur, Conseillère de la GIZ-BMM Djibouti
Elle était accompagnée d’un Commissaire, de la Secrétaire Générale Adjoint et du chargé de la Communication de la KNCHR ainsi que Mme Hampton Silke Chargée du programme GIZ-BMM pour le Kenya et la Somalie et Madame Fridah de GIZ – BMM, Kenya/Somalie.
Le 8 aout, la délégation s’est entretenue avec le représentant régional de l’Etat. Elle s’est ensuite rendue au bureau régional de la KNCHR à Wajir. Une large présentation du fonctionnement et de l’organisation lui a été exposée en particulier sur le traitement des plaintes et les relations avec le siège central. On peut noter que cette antenne est dirigée par un haut cadre qui travaille sous l’autorité du Secrétaire Général de la KNCHR. Elle est composée d’une dizaine de personnes et dispose de plusieurs bureaux et d’un véhicule tout terrain de type HardTop.
Durant cette journée, le Président de la CNDH a accordé une interview à la télévision et radio régionale (NTV). Il a également participé avec le Secrétaire Général, dans la soirée, à une émission radio sur les droits de l’homme en général et sur la gestion des migrants en particulier. Il faut souligner que la région Wajir est frontalière avec l’Ethiopie et la Somalie et de ce fait subie un flux important de migrants de ces deux pays comme la République de Djibouti. C’est ce qui a guidé le choix de cette visite dans cette région.
Le 9 aout, la délégation a été accueillie dans un premier temps à la Cour de justice de Wajir par le Président de la Cour. Le Président de la Cour a fait une longue présentation sur la forte pression qu’exerce la gestion des migrants sur son institution. Etaient présents à cette rencontre les membres du Comité des Usagers de la Cour (CUC) qui regroupe essentiellement la garde pénitentiaire, le barreau, la police, la KNCHR, et la société civile locale et internationale œuvrant dans le domaine des droits de l’homme. Le CUC se réunit au moins une fois par trimestre avec la Cour. A titre d’exemple, le CUC a décidé exceptionnellement à Wajir de réduire la durée de la détention des migrants à un mois au lieu de six mois au niveau national.
Ensuite la délégation a visité la prison centrale de Wajir. Elle a constaté que cette prison avait 147 détenus pour une capacité initiale de 100. La moitié des détenus sont des migrants. La séparation hommes et femmes est respectée. Une cellule de la KNCHR est présente dans d’enceinte de la prison. Cette visite a permis à la délégation de mieux cerner les défis de leurs collègues kenyans.
La délégation s’est rendue par la suite au commissariat de la police de Wajir où sont détenus les migrants qui doivent être reconduits à la frontière. Là aussi, elle a constaté une surpopulation et un manque d’infrastructure nécessaire pour un tel accueil.
En fin de matinée, la délégation s’est réunie avec l’ensemble de l’organisation de la société civile de Wajir. Des échanges fructueux ont eu lieu. La délégation a observé le partenariat étroit existant entre la KNCHR et la Société Civile de la région Wajir.
OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS
Cette visite a permis à la CNDH-D de comparer son fonctionnement à celui de la KNCHR ; une comparaison qui lui permet d’identifier ses défis en matières de gestion de plaintes et de représentativité au dans les régions. Ce constat permet de formuler les observations et les recommandations suivantes :
1. Il est nécessaire que la CNDH-D soit représentées dans les régions du Nord et du Sud du pays pour veiller au respect des droits de l’Homme en général et ceux des migrants en particulier et d’être plus proche des populations cibles. Ceci nécessite des locaux et des équipements (mobiliers, matériels informatiques, communications, transport…),
2. La gestion de plainte étant importante, il est nécessaire que la CNDH-D aie son propre manuel de traitement de plainte, qu’elle renforce son mécanisme de gestion des plaintes, qu’elle se dote d’une plateforme informatique de gestion de plaintes qui lui permettra, entre autre, de relier les futures antennes au siège central,
3. Faciliter le dépôt de plainte auprès des populations les plus démunis par la mise ne place d’une ligne verte (sms, appels…).
4. Ouvrir une cellule CNDH-D au sein des prisons et des camps de refugiés,
5. Encourager la mise en place d’un comité des usagers des tribunaux pour une gestion humaine de la justice,
6. Elargir le mandat de la CNDH en matière de trafic et traite des êtres humain,
7. Renforcer le partenariat entre la CNDH-D, la société civile, les autorités nationales et locales ainsi que les partenaires au développement.
8. Accroitre la coopération entre la GIZ/BMM et la CNDH,
9. Equiper le siège central en matériel de communication (Caméscopes, Appareils Photos et Dictaphones).
10. Renforcer le partenariat de la CNDH-D avec
11. Renforcer la coopération avec les institutions régionales des droits de l’homme et en particulier le RINADH et la KNCHR ;
12. Etre accessible et communiquer dans les langues de nos principaux bénéficiaires
13. Faire plus de campagnes de sensibilisation afin de se faire connaitre et de permettre a plus de personnes de faire appel à la CNDH
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercie en premier le partenaire de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, la GIZ-BMM de Djibouti représentée par Samatar Antoine Natalis et Siri Fleur, qui a permis à la Commission d’effectuer cette mission visite d’étude au Kenya. Nous remercions également les membres et le personnel respectivement de la GIZ-BMM du Kenya et Somalie, de la KNHRC, du RINHAD, KHRC, NSSF et l’ONG HAART ainsi que la branche de la KNCHR et les autorités de Wajir.
ACRONYMES :
KNCHR : Commission Nationale des Droits de l’Homme du Kenya.
KCHR : Commission des Droits de l’Homme du Kenya
CNDH-D : Commission Nationale des Droits de l’Homme de Djibouti
GIZ : Agence de Coopération Allemande
BMM : Meilleur Gestion de la Migration
CTIP : Counter Trafficking In Persons